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L’EGLISE SAINT-PIERRE

     Il est probable que l’origine de la paroisse de Mant remonte au moins à l’époque de la construction de l’église Saint-Pierre. Jusque-là, les chrétiens se rendaient pour les cérémonies à l’église abbatiale de Pontaut. Un riche seigneur, Momus d’Arboucave, propriétaire de Labat donna le terrain pour l’église et le cimetière.

     L’église était construite en pierre du pays. Les murs unis n’avaient aucun caractère archéologique, aucune marque extérieure qui méritait d’être signalée. Le clocher, simple mur surélevé au-dessus de la toiture était percé à jour en forme d’arcade. La cloche était apparente. La nef mesurait 14 mètres sur 6 mètres, le chœur 6 mètres sur 4,50 mètres.

     L’église fut pillée et incendiée par les protestants en 1569 par l’armée de Montgomery. Arnaud de Larquier chirurgien, habitant Mant en 1554, seigneur de Canturan (en Coudures) se fit huguenot pour la circonstance, et se signala dans la terrible campagne de dévastation de 1569. Le premier document sur la paroisse remonte à 1571 ; c’est un extrait du procès-verbal de l’état des églises du diocèse d’Aire, dressé par ordre de Charles IX, roi de France le 8 Octobre 1571. Il y est dit, à propos de Mant : "L’église paroissiale de Mant, près de l’Abbaye de Pontaut est à la présentation du dit abbé, et institution de l’évêque d’Aire. En est curé le dit Cazaubieilh (religieux de l’abbaye voisine), qui y fait le service. L’église a été pillée et brûlée, les ornements emportés par Gaillard de Castet, et les fruits pris par le dit Moncade de Thèze. M.Thomas de Lafitte, prêtre de la dite paroisse, fut tué par les soldats du capitaine Sénégas de la dite religion (protestante)."

     La commune de Mant fut cruellement éprouvée par la perte de son pasteur et la démolition de son église. Les habitants de Mant s’empressèrent de reconstruire l’église et de procurer les objets indispensables pour le service du culte.

     Du XVIe siècle à la révolution il n’y eut pas d’interruption dans le service religieux, puisqu’on connaît le nom de tous les prêtres qui ont exercé dans la paroisse.

     L’église devenue vétuste fut restaurée en 1846. Peu à peu on cessa d’y faire le service paroissial. Cependant, pendant plusieurs années, une messe y était célébrée à l’occasion des fêtes de la Saint-Pierre.

     L’église étant en mauvais état et la commune n’ayant pas les moyens de la restaurer, la délibération du conseil municipal du 27 Février 1976, mentionne qu’elle présente un danger. Elle a été démolie pour agrandir le cimetière. Les pierres ont servi pour les routes. Des particuliers ont acheté des poutres. La cloche, une peinture représentant Saint Pierre, deux candélabres sont dans l’église du bourg.

 

 

 

L’EGLISE DU BOURG

     Pendant plusieurs siècles, la paroisse de Mant a eu trois églises. Comme nous l’avons vu, l’église Saint-Pierre se trouvait loin du bourg. Une ancienne chapelle avait été érigée à l’emplacement du monument au milieu du XVIIe siècle. En effet vers 1654, l’épidémie de peste sévit sur toute la région. Le village ne fut pas épargné, une partie de la population fut décimée. Ce drame atroce portait atteinte au moral des habitants qui voyaient disparaître rapidement leurs parents, leurs amis, leurs voisins et craignaient en même temps pour eux. Les pieux habitants de Mant invoquèrent deux saints : Saint Fabien et Saint Sébastien, dans le but d’être délivrés de ce fléau. Ayant été exaucés, ils bâtirent cette chapelle et la dédièrent aux deux saints. A Hagetmau, à la même époque, pour la même raison, les jurats allèrent prier Saint Roch ; la peste s’arrêta le dix novembre. Ils firent construire une chapelle au pied de l’autel Saint-Roch. Elle fut démolie en 1886.

Eglise du bourg avant la restauration

 

     Cette chapelle Saint-Fabien et Saint-Sébastien, avait une superficie de 120 mètres carrés. Comme l’église Saint-Pierre était loin du centre, que les habitants de Mant venaient de plus en plus nombreux à la chapelle, elle s’avéra trop petite. Après la révolution de 1789 elle fut restaurée provisoirement, puis vu son état de vétuste, fermée définitivement au culte le 3 mai 1845.

     L’église actuelle, doit sa construction aux efforts combinés de Mr Alfred Brettes, Maire et de Mr Antoine Hontang curé. Commencée le 29 septembre 1847, elle fut ouverte au culte le 15 septembre 1849. Elle a coûté 16992,16 F, fournis tant par l’Etat (3000 F) que par la commune (par la vente de ses biens communaux) et par les habitants, au moyen d’une imposition extraordinaire.

     Le sieur Mimbielle, dit Rouby, fournit le terrain nécessaire en échange de l’emplacement de la vieille chapelle. Mais il fut clairement stipulé entre lui et la commune qu’il serait réservé deux mètres le long de l’église. L’évêque la bénit le 17 septembre1849, et confirma 48 garçons et 57 filles.

     La maçonnerie extérieure est en pierre de Monget, le fronton au-dessus de la porte d’entrée en pierre de taille. La tour du clocher est de forme carrée, la flèche est couverte en ardoise. A l’origine il y avait deux cloches, l’une portant l’inscription : "Saint Fabien et Saint Sébastien, priez pour nous. Mr J.P Dubasque, curé. J’ai été faite avec l’argent d’un legs fait à l’église par feu Pierre Castaide de Laglère. Parrain : Mr Géresse de Laglère. Marraine : Dame, Marie Dupéré née Dutournier. Delestan, fondeur à Bordeaux ."

     L’autre cloche avait des inscriptions en latin et pour parrain : Mr Antoine Lambert Larquier et pour marraine : Madeleine Agnès Larquier. La date en chiffres romains : MDCCCLXXXVIII.

     Elle comprend : la nef principale, qui à l’époque, avait une voûte surbaissée à anse de panier, un plafond uni peint en jaune clair comme le reste de l’église. La chapelle de la nef de droite, avec l’autel surmonté d’une statue de Notre-Dame de Lourdes, était dédiée à la Sainte Vierge. La chapelle de gauche, dédiée à Saint Pierre, patron de la paroisse, a une plaque, commémorant le jubilé de 1875. Le chœur, de forme circulaire, séparé de la nef principale par un arceau de plein-cintre, avait une boiserie de un mètre cinquante, qui a été supprimée depuis. Les trois autels en marbre sont modernes. L’église est éclairée par 10 vitraux sortis de l’atelier de M. Dagrand, peintre verrier à Bordeaux: Ils représentent dans le chœur Saint Fabien, Saint Sébastien,

     Le 11 Avril 1890, pendant un violent orage, la foudre tombe sur le clocher. Elle en brise les ardoises, en désagrège plusieurs pierres de taille. Certaines pièces de l’horloge sont fondues, une armoire incendiée avec les beaux bouquets qu’elle contenait, la toiture de l’église endommagée, des parcelles de plafond enlevées et la plupart des vitraux mis en pièces. Ces divers dégâts sont réparés et le premier paratonnerre est installé au moyen d’une souscription. Depuis il est régulièrement entretenu. Au cours du XXe siècle, l’église a été restaurée et repeinte. Le clocher a été refait en 1950 et la toiture en 1951. Avant 1950, la cloche de Saint Pierre a été refondue et installée dans l’église au cours d’une belle cérémonie. Jacques Castaing et Jeanne Maisonnave en sont le parrain et la marraine.

Baptême de la cloche en 1948

 

     A l’instigation de Mr l’Abbé Labat, avec la participation de la municipalité et des habitants de Mant, l’église a été restaurée en 1979 : réfection des carrelages, mise à nu des piliers, des encadrements des vitraux, des pierres et de la charpente du chœur, déplacement de la chaire. Le chauffage au gaz a été installé. Les portes et le tambour ont été remplacés par des portes en verre épais pour donner plus de clarté. Plusieurs petits vitraux modernes éclairent mieux la nef.

Visite de Monseigneur Mathieu pour la Confirmation de 1938

Intérieur actuel de l'église

 

 

LA CONSTITUTION CIVILE DU CLERGE

Application locale

     La constitution civile du clergé est un décret de l’Assemblée Constituante, du 12 Juillet 1790, sanctionné par Louis XVI le 21 Août 1790. Elle fut appliquée dans toute la France. Elle modelait les circonscriptions ecclésiastiques et donnait au peuple l’élection des évêques et des curés dont elle faisait des fonctionnaires rétribués par l’Etat et astreints à lui prêter serment. Dès qu’elle eut été condamnée par le Saint-Siège (10 mars 1791), le clergé se divisa en prêtres assermentés et en prêtres réfractaires. Ces derniers furent les plus nombreux. La constitution civile du clergé resta en vigueur jusqu’en 1801.

     Voici l’application de la constitution civile du clergé dans la paroisse de Mant de 1790 à 1802. (Texte intégral extrait du cahier paroissial).

     Au moment où éclatèrent les troubles de la tourmente révolutionnaire de 1789, M. Bertrand Ducournau était curé de Mant. Il habitait ainsi que ses deux frères, curés de Monségur et de Samadet dans la maison paternelle du Placiat, située au centre des deux paroisses.

     C’est de là qu’ils remplissaient leurs devoirs de pasteurs dans leur paroisse respective. Lorsque l’Assemblée Nationale eut proclamé la constitution civile du clergé (12 Juillet 1790) et la nécessité de la mettre à exécution (27 Septembre 1790), ils refusèrent tous de prêter le serment exigé par la loi .

     Voici en particulier la preuve authentique de la fermeté que M. Bertrand Ducournau mit à garder ses premiers serments. Nous la trouvons dans un extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Mant." Aujourd’hui, sixième Février 1791, jour du Dimanche, avant la messe, nous Maire, officiers municipaux et par devant la commune de la paroisse de Mant, nous nous sommes transportés dans l’église, où était dans ce moment le sieur Ducournau curé et, après lui avoir représenté qu’il ne devait point ignorer la loi du 26 Décembre 1790, relative au serment à prêter par les ecclésiastiques fonctionnaires publics que l’article 3 porte : les curés et autres fonctionnaires publics feront leur déclaration au greffe de la municipalité de leur intention de prêter serment et se concerteront avec le maire pour arrêter le jour.

     N’ayant pas rempli ses formalités, nous lui avons demandé s’il était dans l’intention de prêter le dit serment et il nous a répondu : non.

     En conséquence du refus, nous avons dressé le présent procès-verbal, pour être envoyé à Mr le Procureur de Saint-Sever."

     Informé de ce refus de prestation de serment, le Directeur du District de Saint-Sever fit procéder au remplacement du réfractaire. L’assemblée électorale, convoquée dans l’église bénédictine s’y livra aux plus horribles orgies et suspendit 22 curés de leurs fonctions pour les remplacer par des parjures.

     Mr Ducournau dut céder sa place à un religieux de Pontaut du nom de Miquel (voir lettre...).Ce malheureux intrus, obéissant à la nouvelle constitution, prêta serment dans l’église de Mant. Voici le procès-verbal de cette triste cérémonie. " Le Dimanche 8 Mai 1791, à 11heures du matin à la chapelle Saint-Fabien et Saint-Sébastien de la paroisse et au bourg de Mant à l’issue de la messe paroissiale que le sieur Miquel élu curé de Mant a célébrée en présence de Mrs le Maire et officiers municipaux a dit qu’en exécution du décret de l’Assemblée Nationale du 27 Novembre dernier, sanctionné par le roi et publié en cette municipalité il venait avec empressement prêter le serment civique prescrit par le dit décret ; et de fait, le sieur curé après avoir exprimé ses sentiments d’attachement à la nouvelle constitution a prononcé à haute et intelligible voix et la main levée, le serment solennel de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse confiée à ses soins, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout son pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée Nationale et acceptée par le roi.

     Nous, Maire et officiers municipaux, soussignés avons dressé procès-verbal et avons signé avec le secrétaire greffier. (Castéra Maire, Lacoste, Larquier, Casteyde, Lapeyre)".

     Cependant Mr Ducournau n’a pas encore disparu. Malgré l’installation de l’intrus, nous le voyons procéder le 10 Mai à une sépulture ecclésiastique, mais c’est le dernier acte revêtu de sa signature. Dès ce moment, il ne lui est plus possible de remplir les devoirs de sa charge. Le dimanche suivant il fut mandé à la mairie et sommé de remettre la clef d’une armoire de la sacristie : c’est ce qui ressort du procès-verbal qui suit.

     "Le 22 Mai dernier, dit le Maire, jour de dimanche étant assemblés dans le lieu où se tient l’école, avec le sieur Ducournau ci-devant curé de Mant, nous lui avons demandé s’il n’était pas vrai qu’il eut emporté la clef d’une armoire de la sacristie. Il répondit que oui ; en même temps, nous l’avons prié de les remettre. Un instant après il nous dit qu’il venait de recevoir une lettre de Mr Ferrand, ci-devant prieur de Pontaut, Docteur de Sorbonne. Cette lettre était fort favorable pour lui. Elle contenait dans son commencement qu’il était arrivé un décret qui lui permettait d’aller dire la messe dans telle église qu’il jugerait à propos. Le sieur Ferrand anticonstitutionnel annonçant aussi la destruction totale de la Révolution et que tout allait se réunir comme il était ci-devant.

     Il lut la quatrième partie de la lettre. Puis, nous nous approchâmes de lui pour voir la dite lettre. Il nous sembla de suite qu’il n’était ni l’écriture, ni la signature de Mr le ci-devant Prieur de Pontaut. En foi de quoi, nous avons donné la présente déclaration. Mant le 9 Juin 1791".

     Désormais fermée à son pasteur légitime, l’église de Mant sera longtemps livrée à des intrus. Le premier acte de la catholicité portant la signature de B. Miquel est un acte de sépulture du 24 Mai 1791. Cependant le malheureux assermenté s’aperçut bien vite que Mr Ducournau avait emporté dans sa retraite toutes les sympathies de ses ouailles. Ne recevant de la population que mépris et moqueries, il se fit donner un vicaire appelé Claude Chaudron. Ce vicaire prêta serment dans l’église du bourg au prône de la messe paroissiale le 5 Août 1791. Il paraissait ainsi le moins possible dans son troupeau rebelle.

     Aussi les registres de la commune ne mentionnent-ils que quatre actes signés de lui, à savoir : la sépulture du 24 Mai 1791, un baptême du 6 Janvier 1792, un mariage du 1er Décembre 1792, un baptême du 31 Décembre 1792.

     Se voyant toujours honni d’une population qui prétendait rester fidèle à la foi de ses frères, il abandonna son poste et disparut. On lui donna pour successeur un nommé Pébarthe de Louvigny de l’ancien diocèse de Lescar .Jureur lui-même, celui-ci porta la peine de sa faute. Les habitants de Mant ne peuvent voir qu’avec indignation un nouveau loup dans la bergerie du père de famille, un intrus à la place d’un illustre confesseur de la foi. Aussi, les principales familles unies par la conformité des croyances, refusaient d’assister à des cérémonies qui autrefois leur paraissaient si vénérables et qu’elles regardaient alors comme des iniquités et des sacrilèges. Si quelques habitants les fréquentaient, ils ne se proposaient autre chose que de tourner en ridicule la prédication et le ministère de celui qu’ils savaient indigne de l’exercer.

     Lorsque la Convention abolit tous les exercices du culte, Pébarthe se cacha dans une paroisse du département des Basses-Pyrénées où il mourut quelque temps après que le calme fut rendu à l’église et après s’être rétracté pour réparer le scandale qu’il avait donné.

     Au départ de Pébarthe, la municipalité fit porter les ornements et les vases sacrés à la mairie pour y être conservés avec soin jusqu’à ce que le culte fut rétabli dans l’église de Mant. Mais des trois cloches que possédait la paroisse de Mant, deux furent enlevées et transportées à Saint-Sever pour passer à la fonte des canons. (Une tradition locale prétend que le mobilier de l’église fut transporté à Saint-Sever en même temps que celui de l’Abbaye de Pontaut.)

     Cependant le curé légitime de Mant, au lieu de s’expatrier à l’exemple de tant d’autres prêtres du diocèse, resta caché dans sa paroisse ou les paroisses voisines pour se rendre utile à son troupeau. Comme ses frères de Monségur et de Samadet il dut bien souvent, pour échapper aux hommes de la Révolution, se cacher dans les bois. Une de leurs cachettes les plus habituelles était dans une carrière de pierre qui se trouve à Mant au pied du manchon appelé "chasse du Placiat". Elle consistait en un petit réduit à peu près carré dont l’entrée était dissimulée sous une couche de broussailles. On leur portait à manger pendant la nuit. Mr Ducournau se cachait aussi quelquefois pendant le jour dans la carrière de pierre de Laouilhè et allait dormir dans une grange de cette métairie. Le 3 Mai 1793, Mr Dutournier, son beau-frère, fut dénoncé pour avoir caché des prêtres réfractaires, entr’autres son propre frère, Antoine Dutournier, curé de Bélis, Lacoste de Montaut ,ses beaux-frères, curés de Mant, de Monségur, Samadet. Ces prêtres, disait-on, avaient fait chez lui les fonctions d’ecclésiastiques et il les accompagnait dans les maisons.

     Tantôt réunis et tantôt séparés, ils ne cessent, même sous le régime de la Terreur de parcourir les paroisses des cantons de Geaune et de Hagetmau et celles qui dans les Basses-Pyrénées, sont limitrophes de Mant. Bravant tous les dangers, ils courent auprès des malades pour leur administrer les sacrements.

     On signale, comme s’étant particulièrement dévoués à seconder ces confesseurs de la foi dans leurs courses errantes et à leur fournir généreusement un asile, les familles de Mant désignées : Duluc "Cardénaou", Salles "Biéou", Casteyde "Pémulè", Pascalin, Curebousset, Larrieu "Labourdette".

     Un jour qu’ils étaient cachés à Cardénaou, la municipalité de Mant eut ordre de les arrêter. Claverie dit Chose, l’un des syndics, les fit prévenir en secret et lorsque la police arriva, ils avaient disparu. On signale aussi comme maisons de refuge dans les paroisses du voisinage : Castetbert et Larquè de Monget. Lagarde et Pichery de Philondenx. Petit Carrère et Mondeyat de Malaussanne. Pène de Samadet. Placiat de Monségur.

     Lorsque le règne de la Terreur eut pris fin, la liberté fut un instant rendue à l’église de France. Les réfractaires quittèrent peu à peu leurs cachettes et se hasardèrent même à certains endroits à officier publiquement. Les Ducournau reprirent leur domicile du Placiat et de là parcoururent toute la contrée. Mr le curé de Mant fit à cette époque, un baptême dans l’église de la paroisse et un autre dans l’église de Malaussanne. Mais hélas! cette période de tranquillité relative devait être de bien courte durée. Comme il s’était fait sur plusieurs points du diocèse d’Aire de grands rassemblements, particulièrement à Mant pour protester contre les orgies révolutionnaires et tenter de réduire à l’impuissance tous les hommes de sang, l’enfer suscita une nouvelle recrudescence dans la persécution religieuse. Les gendarmes et les gardes nationaux reçurent les ordres les plus sévères et se jetèrent de nouveau à la poursuite des prêtres. C’était le 18 Vendémiaire An VI .(1797)

     Les divers membres de la famille lévitique du Placiat et les autres ecclésiastiques qui s’étaient réfugiés auprès d’eux réussirent encore quelque temps à échapper à la police. Mr Ducournau était protégé par le dévouement de ses paroissiens depuis le 22 Mai 1791, c’est à dire depuis sept ans, lorsque dans la nuit du Vendredi Saint (17 Germinal An VI, 7 Avril 1798) il fut arrêté avec son frère curé de Monségur, dans la métairie dite de Malagouare. Personne n’avait soupçonné la présence de la gendarmerie dans les environs. (Comme cette propriété est limitrophe de Samadet et qu’elle appartenait à cette époque, à Mr de Juncarot, habitant de cette commune, on a pu croire avec Mr l’Abbé Léger que Mr Ducournau avait été arrêté à Samadet).

     Sitôt arrêtés, les deux confesseurs de la foi, sont dirigés sur Saint-Sever sous la conduite d’une nombreuse escorte de gendarmes. Dès que la nouvelle de cette double arrestation se sut, dans les paroisses de Mant l’indignation des habitants fut à son comble. Sans perdre de temps, quelques jeunes gens, tant de l’une que de l’autre paroisse, s’arment de bâtons et courent à la délivrance de leurs pasteurs, bien déterminés à disputer leur pasteur aux hommes de la Révolution.

     La tradition a conservé les noms de quelques uns d’entr’eux : Antoine Cazenave, Lalanne dit Loustet, Pierre Layete qui étaient de Monségur. Mathieu Casteyde dit Pémulè, Jean Claverie dit Chose, Pierre Lapeyre dit Pachère de Mant.

     Les défenseurs de la religion et de ses ministres persécutés se dirigent vers Dumes à travers les bois de Lucuspin qui séparent Samadet de Hagetmau. Ils arrivent avant la force armée dans un endroit qui porte le nom de Pierrelongue. Là, ils s’embusquent avant l’arrivée des gendarmes. Mais ceux-ci, en prévision de ce qui pourrait bien arriver, avaient pris du renfort en passant à Hagetmau. A leur approche, Pierre Lapeyre n’écoutant que son dévouement, s’élance seul pour délivrer les prêtres tandis que ses compagnons se voyant trop faibles pour tenir tête aux nombreux envoyés de la République restent cachés. Au même instant, le chien d’un gendarme fond sur lui à l’improviste et le fait trébucher. L’infortuné jeune homme veut alors prendre la fuite, mais il tombe dans le fossé. Il est pris, enchaîné et conduit à Saint-Sever avec les pasteurs pour aller partager leur captivité à l’Ile de Ré et y mourir victime des mauvais traitements qu’il eut à y subir. Les deux prêtres, sitôt arrivés à Saint-Sever doivent comparaître devant leurs juges.

     Le curé de Mant, principalement, est chargé par le Président ; il est accusé d’avoir par ses prédications suscité de nombreux attroupements à Mant, Monségur, Peyre et communes environnantes. La preuve en est dans la tentative que viennent de faire ses paroissiens de l’arracher lui et ses frères des mains de la gendarmerie. Il répond que, quant aux attroupements, le premier qui eut lieu à Mant, composé des habitants de Peyre, ne peut lui être imputé, puisqu’il n’a vu personne au moment de son arrestation. Malgré sa ferme défense, il est condamné, non à mort, puisque la guillotine de 1794 ne fonctionnait plus dans nos Landes, mais à la déportation.

     La sentence s’exécuta promptement car le 25 Germinal (15 Avril ) il était jeté dans les pontons de l’Ile de Ré en compagnie de ses frères et de beaucoup d’autres prêtres. Il est probable que le jeune Lapeyre y fut jeté le même jour. Le régime des pontons était alors un véritable supplice. Les condamnés y étaient privés d’air et d’espace. Ils y mouraient presque tous, dévorés par la vermine ou en proie à des accès d’aliénation mentale, provoqués par les mauvais traitements des gardiens, ou des bêtes féroces.

     Cependant, Mr Ducournau survécut à ses infortunés compagnons de captivité, enlevés par une mort prématurée. Il rentra dans sa Paroisse dès que la paix fut définitivement rendue à l’église de France par le Concordat du 18 Avril 1802. Mais sa santé était très délabrée. Il mourut l’année suivante (1803) dans la maison du Placiat.

Lettre du dernier Abbé de Pontaut, J.B. Miquel nommé curé de Mant (prêtre assermenté)

 

     Voici, d’après la revue : "Nos cahiers" de 1904 ce qu’étaient :

Les Pontons de l’Ile de Ré.

     Les Pontons, étaient des navires hideux où l’on parquait les gens atteints de la gale et dans lesquels on enferma plus de trois mille prêtres français pour les y faire périr de misère et de faim.

     Le manque d’espace, la nudité, la soif, rien ne leur fut épargné. En été comme en hiver ils étaient entassés sur l’avant du navire rempli de boue, de barriques, soumis aux intempéries (pluie et neige) au soleil brûlant de l’été. Ils manquaient de nourriture. Le pain était composé d’orge, de seigle, de paille, de poussière." C’était pitié de voir les pauvres vieillards dépourvus de dents et dévorés par la faim, ronger comme ils le pouvaient avec des gencives ramollies par le scorbut et tout ensanglantées, cet insalubre et pénible aliment..."

     Ils mangeaient de la morue jaune et pourrie, des fèves (avec des charançons). La nuit beaucoup dormaient sur le sol, certains sur des lits de camp. "On n’entendait que plaintes, lamentations de voix mourantes."

     En 1796 les portes des prisons s’ouvrirent. Le retour des survivants fut un véritable triomphe. Cette joie fut de courte durée. L’année 1796 ne s’était pas écoulée, qu’une seconde persécution, qui devait durer quatre longues années, commençait. La plupart des prêtres de la région furent déportés dans les prisons de Rochefort et de Saint-Martin-de-Ré. Entassés les uns sur les autres dans de sombres cachots, privés de nourriture, en proie à tous les outrages, beaucoup périrent au milieu d’atroces souffrances.

 

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