[Première page]
 [
Page Précédente] [Page suivante]
 [
Table des Matières]

L’ABBAYE DE PONTAUT

Histoire de ce vieux monastère

     L’un des rares éléments de notre patrimoine archéologique landais a pris le chemin de l’étranger. En effet nous possédions à Mant une abbaye construite au XIIe siècle, dont l’existence et l’intérêt avaient été signalés à plusieurs reprises : en 1884 par Mr Taillebois : en 1886, par l’Abbé Légé, curé de Duhort-Bachen : en1892 par Mr Dufourcet, président de la Société de Borda.

     A l’ombre de la forêt qui couvrait autrefois les deux rives du Luy de France, l’Abbaye de Pontaut fut fondée par les Bénédictins vers 1115. C’est d’après la Gallia Christina, sous la direction de Gérard, abbé de Dalou que se fit cette fondation. Mais, comme à la fin du XIe siècle l’ordre de Cluny s’était beaucoup relâché de sa règle primitive, Saint Bernard le réforma en rétablissant la discipline la plus sévère et la plus rigoureuse austérité dans les mœurs. C’est ainsi que l’Abbaye de Pontaut, de bénédictine qu’elle était, devint cistercienne en 1150, environ 35 ans après sa fondation. Sous l’influence de l’évêque d’Aire, les bénédictins de Pontaut s’affilièrent aux cisterciens de Pontigny, et adoptèrent la règle de saint Bernard. Ses bienfaiteurs la dotèrent avec magnificence, (ce fut l’ancienne maison de Navailles, dans la seigneurie de Mant, qui fournit les fonds nécessaires à la fondation de cette Abbaye). D’après Larcher, les Cisterciens se seraient établis à Pontaut le 8 mai 1151.

Abbaye de Pontaut. La salle capitulaire à Mant

Abbaye de Pontaut. La salle capitulaire reconstituée à Mesnil-le-Roi

Abbaye de Pontaut. La salle capitulaire à Mant

Abbaye de Pontaut. La salle capitulaire reconstituée à Mesnil-le-Roi

 

     Dans la seconde moitié du XIIe siècle, l’Abbaye accroît ses domaines. Les libéralités, les donations pieuses des seigneurs et des particuliers, si fréquentes au Moyen-Age y contribuent. Par la suite, les moines font d’importantes acquisitions foncières.

Les riches possessions de l’Abbaye ne tardèrent pas à susciter jalousies, différends et chicanes. Dès le milieu du XIVe siècle, l’Abbé Archambaud reprochait aux habitants de Mant les dégâts causés par eux dans la forêt. En 1453, les Cisterciens et les jurats de Mant comparurent devant le seigneur de Navailles, pour régler leurs différends.

     Faute de documents, nous ignorons presque tout de la vie spirituelle et de l’organisation intérieure de l’Abbaye au Moyen-Age. Vers 1450 et 1560, le nombre des religieux s’élevait à douze. A la veille des guerres de religion, il importe de noter la prospérité matérielle de ce "beau et riche monastère, où logea le roi de Navarre, pourvu de plusieurs logis, de granges et d’une excellente église"(extrait d’un procès verbal de Charles IX).

     L’Abbaye de Pontaut ne fut pas épargnée par les guerres de religion. Les détails du pillage de l’Abbaye sont fournis par le procès verbal rédigé en 1572 sur l’ordre de Charles IX pour constater les dégâts. C’est au mois de novembre 1569 que l’Abbaye fut saccagée par les protestants. L’église et les bâtiments en partie brûlés et démolis, les ornements, joyaux, livres, cloches et tous autres biens meubles pillés et emportés par le capitaine Arblade et ses gens, tous de la même religion : tel est le triste bilan du passage des huguenots.

     L’incendie et la démolition de l’Abbaye ont été faits par Fontanier, Ducasse dit Sarrade, Mathieu Thèze, Etienne Candau, Andréas Thèze et Jardinier de Haget, Jean Desclaux dit meignes et Arnaud de Bayle de Saint-Genès. Le dit Mathieu Thèze avait enlevé l’horloge qui fut prise ensuite par Moles. Le dit Sarrade emporta la custode, Arnaud de Larquier un calice. Voici un extrait d’une histoire de France (tome 11 p 172 de J Carsalade). "Les Huguenots partirent la nuit du Fort de Bonnegarde, entrèrent en l’Abbaye de Pontaut, où ils daguèrent les moines et le prieur estant couchés, et pour ce que le prieur respirait encore, mirent le feu en son lit, le couvrirent de lard et de gresse afin de le consumer".

     En même temps, la forêt voisine, orgueil de la communauté, est mise au pillage. "Tout auprès de l’Abbaye, il y avait une fauret qui a été dicipée, les arbres coupés et emportés par le nommé Claude, procureur au château de Hagetmau, Dominique Moncade, Mathieu Thèze. .Les métairies ne sont pas épargnées ; les dîmes sont saisies à leur tour. Deux religieux frère Jean Primat et frère Lambert, sont mis à mort par Jean et Andréas Thèze et Jean Dubastan puis jetés dans les "retraites" de l’Abbaye. Après la guerre, les moines reviennent et s’installent au milieu des ruines, en "grande pauvreté et incommodité". Dès 1572, il ne reste à Pontaut que 7 religieux, dont quatre prêtres, plus un soldat estropié. Les offices religieux n’ont plus leur antique splendeur, peu à peu, les places monacales sont désertes.

     Au XVIe siècle, il n’était pas rare de voir les abbayes appartenir à des abbés commendataires même laïques et étrangers. En était-il ainsi à Pontaut de 1671 à 1696?. Barthélémy Lacaze, prieur de L’Abbaye de Guimont et vicaire général de l’ordre en province de Bordeaux fit vers 1670, une visite à l’Abbaye de Pontaut. "son logement, disent les religieux en parlant de l’abbé est une partie du dortoir, sans aucune séparation. Il y a chez lui, un commerce perpétuel de personnes séculières, de femmes et de filles, sous prétexte de porter du pain et du linge, qui ne sont pas des occasions à faire les religieux saints. Il est le maître du cloître, ses valets y sont toujours et on n’y entend que des chansons déshonnêtes". Ce mémoire qui fut dressé contre l’abbé de Pontaut, ne dit pas que cet abbé fut religieux.

     Aux XVIIe et XVIIIe siècles, après avoir reconstitué une partie de leur patrimoine, les moines vont connaître de nombreuses difficultés : des procès, des querelles. Jusqu’à la révolution, les moines ont mené une vie misérable alimentée par des procès perpétuels et des discordes intérieures.

     Le dernier Abbé de Pontaut J.B Miquel, ayant accepté la constitution civile du clergé, sera curé de Mant à partir du 7 mai 1791.

     L’Abbaye, avec toutes ses dépendances, fut vendue par la Nation, comme les autres biens du clergé. Elle fut acquise, pour une somme dérisoire par le propriétaire de la faïencerie de Samadet, Jacques Dyzès, chevalier de l’ordre royal de Saint Louis et frère du conventionnel du même nom.

     Jacques Dyzès, la donna en dot à sa fille, Marie Jeanne Caroline Dyzès à l’occasion de son mariage avec le Vicomte de Poudenx, de Saint-Cricq, (la bénédiction nuptiale eut lieu à Mant le 16 Mai 1816). Madame de Poudenx, passa les trente dernières de sa vie dans une maison d’aliénés à Cadillac en Gironde, où elle mourut à l’âge de 90 ans.

     Il est regrettable que les modifications successives que lui a fait subir la famille de Poudenx aient enlevé au monastère de Pontaut tout cachet religieux.

     Après la révolution, l’église servit de refuge aux bêtes de somme. Des orgies se déroulèrent dans le monastère.

     En 1923, un projet de classement comme monument historique n’ayant pas abouti, John D Rockeffeller put en 1930 l’acquérir. Démontée pierre par pierre, elle fut reconstruite d’abord à Mesnil-le-Roi, puis transférée à NEW-YORK au "Metropolitan Museum of Art : The Cloisters". Actuellement la façade de l’église subsiste. Elle sert de bâtiment agricole.

Chapiteau de la salle Capitulaire (The Cloisters)

 

     Voici un extrait de la revue "Escole Gaston-Febus" Reclams de Biarn e Gascogne-1936- sur "Lous bielhs moustiès de Gascogne". C’est le commentaire en gascon sur la vente de l’Abbaye de Pontaut.

"De so qui demourabe à Pontaut qu’en abèn heyt ue borde-court de bestia- qu’ère hountous d’at bese. Que sèn ba coate ans, John D Rockfeller junior, qu’a croumpat aquere borde se heyt pourta peyre per peyre en Amérique la salle dou "chapître"e l’entrade de la gleyse dou coumbén estujats, temsa per debat un lè perbore de mourtiè. Qu-en a dat 500000 liures, se dit lou New-York-Herald, e lous journaus que-n an balhat la photographie un cop la peyre esculade tournade bouta coum ère. Qu’ey bis aquére imadje, e las Lanes que hen anou en Amérique de so que lous oubrès de Gascougne sabèn ha au siècle XII au. Mes, toutun, quine misère de nou pas sabé sauba so qu’an de bet a case!".

Comment se présentait l’Abbaye de Pontaut?

     L’ensemble du monastère dessinait un rectangle fermé sur trois côtés, au nord, à l’est et au midi, mesurant approximativement 50 mètres sur 40 mètres.

     La façade de l’église Abbatiale construite en briques était percée d’une porte sous arc-brisé, encadrée de deux piliers, témoins d’un porche qui la précédait jadis. Au-dessus, se trouvait deux hautes fenêtres dont les pleins-cintres s’ornaient de billettes en briques disposées en damier. Plus haut encore, au centre, une rosace mesurant extérieurement 2,50 mètres de diamètre, avait un lobe central et six lobes rayonnants plus petits.

     La salle capitulaire de 12 mètres sur 8, divisée en deux vaisseaux par des colonnes médianes en marbre d’un seul jet, était éclairée par les fenêtres du mur du fond et par les arcades de l’entrée. A l’origine les murs intérieurs étaient recouverts de plâtre et sans doute peints, (il reste quelques traces de couleur sur les nervures de la voûte sur croisée d’ogives). La décoration des chapiteaux et des tailloirs était exclusivement géométrique ou végétale. On trouvait des étoiles dans une circonférence, des motifs imitant la vannerie tressée, des pommes de pin sculptées, des losanges, des palmettes, des feuilles d’acanthe.

     Dans la prison on enfermait les malfaiteurs de la contrée.

     Les communs comprenaient de nombreux bâtiments : réfectoire, cuisine, chambres, etc.

     L’Abbaye possédait la forêt qui couvrait les rives du Luy, de Monget à Poudenx par Mant, Peyre, Monségur, de très nombreuses métairies et des prairies. Elle percevait des rentes payables le 1er Novembre à raison de 9 deniers la "journée" de terre, des droits seigneuriaux sur des maisons à Hagetmau et la dîme dans de très nombreux villages.

     Vers la fin du XVIe siècle, les moulins, avec les fiefs de Mant donnaient 360 livres par an, Peyre 255, Monget 79, Auga 370, Montagut 650, Argelos 265, Navailles 400, Hagetaubin 643, Le Luy et Ronsac 950, Méracq 360, Beyries Sault, 870, etc. Le total des revenus en 1789 était de 7310 livres répartis entre les moines et les dignitaires de l’église.

     En 1790, les revenus de l’Abbaye s’élevaient à13884 livres, les dépenses à 8933 livres. L’excédent était donc de 4931 livres.

Copie (texte intégral, orthographe respectée)

Déclaration de l’état des biens formant l’abayie de Pontaut, dont nous, Jean Louis de Viella Frère Chanoine vicaire général de Lescar et Viviers Abbé Commandataire de la dite abayie de Pontaut habitant la dite ville de Lescar faisons devant M M les Officiers de Pontaut, par le ministère du Sr Jacques Ferrier Négt à Pau, mon procureur fondé.

1° La dime de Navailles par contrat du 11 may 1789 : retenu de Me Fougère notaire à Pau, pour la somme de 2400 L par année.

2400 L

2° Les fruits décimaux de la parroisse d’Auga par contrat du 26 juin 1784 : retenu par Dufau notaire royal d’Arzacq pour la somme de 240 L par année

280 L

3° Pièce de terre, prairie et terre labourable appelée Larribère de la Barthe et au camot de Pontautscise,au lieu de Mant par contrat 12 juin 1784 : retenu de Dufau notaire royal d’Arzacq, pour la somme de 110 L par année

110 L

4° Deux moulins appelés de Lherby, à Pontaut par contrat du 24 juillet 1784 : retenu de Dufau notaire royal d’Arzacq, pour la somme de 923 l par année

925 L

5° La dime de Haget aubin par contrat du 10 juillet 1784 : retenu de Fougère notaire royal à Pau, Pour la somme de 1400 L par année

1400 L

6° les fruits et droits décimaux de la parroisse du mérac par contrat du 13 juin 1784 : retenu de Dufau notaire royal d’Arzacq, pour la somme de 360 L par année

360 L

7° Les fruits et droits décimaux de la parroisse d’Argelos, par contrat du 10 juillet 1784 : retenu de Dufau notaire royal d’Arzacq, pour la somme de 800 L par année

800 L

8° Biens fons situés sur le territoire du Caubon, autres droits sur la paroisse d’Urgons Arboucave et Samadet et sur le territoire de Caubon au-delà des biens qui y sont situés consistant en lods dime et fiefs, par contrat du 1er juin 1784: retenu de Duluc notaire à Arboucave, pour la somme de 330 L par année

330 L

9° Les fruits et droits décimaux sur la paroisse de Peyre, par contrat du 9 juin 1784: retenu de Gaxie, notaire à Samadet,pour la somme 970 L par année

970 L

10° Métairie, maison, cabannes, et fons de terre appelés de la grange et scis à Labrit, par contrat du 18 mai 1784 : retenu de Salles notaire royal du mon du marsan,pour la somme de 306 L par année

306 L

11° La dime de Beyries, Saut et Domengeus, par contrat du 9 juin 1784 : retenu de Gaxie notaire royal à Samadet, pour la somme 870 L par année

870 L

12° Metairies de Braselier , appelées La Grange et Loustalet, situés à St Pardon dime de St Pardon et d’ Orenx, droits de maison, cabanes et fons de terre par contrat du 15 juin 1784: retenu de Salles notaire de Mont de Marsan,pour la somme de

800 L

13° Les fruits décimaux du lieu de Montagut, par contrat du 1er août 1783 : retenu de Fougère notaire royal à Pau, pour la somme de 1275 L par année

1275 L

14° Dime de Leuy, métairie de la Grange au dit lieu, la moitié des droits seigneuriaux, l’autre moitié réservée à M l’abbé, ainsi que les droits de prétation maison, cabannes de la dite métairie, et terres, par contrat du 4 juillet 1785 : retenu de Sallebert notaire royal D’igos pour la somme de 1550 L par année

1550 L

15° Dime et droits décimaux de Ronsac, par contrat du 14 juin 1785 : retenu de Salles notaire au mon de marsan, pour la somme de 853 L par année

853 L

16° Dime de St genes et droits seigneuriaux du dit quartier et de celui de Pontaut, ensemble la rente fonsière du moulin d’artigues en tartas par contrat du 13 may 1785 : retenu de Salles notaire royal du mon de marsan pour la somme de 130 L

130 L

17° Pièce de terre à monget par contrat du 20 may 1785 : retenu de gaxie notaire royal de Sammadet, pour la somme de 114 L par année

114 L

18° M le Prieur de Pontaut paye annuellement à M L’abbé une somme de

150 L

19° Les fiefs lods et venthes des paroissiens de mant et monségur, par contrat du 26 avril 1786 : retenu de gaxie notaire royal de Sammadet

141 L

20° Le déclarant possède une prébende indépendante de l’abayie à la nommination de M son père, laquelle prébende est affermée la somme de

100 L

total :

13884 L

1° Au Sieur Dalmerals, curé de Perols breveté par le Roy

700L

2° Au Sieur Biges, vicaire général d’annexy, breveté du Roy

1050 L

3° Au Sieur gesiels, vicaire général de nameur breveté du Roy

700 L

4° Au Sieur Bauly, vicaire général de reims breveté du Roy

700 L

5° Au Sieur ferré, vicaire général d’apt,

700 L

6° Au Sieur garay prêtre à Ste marie d’auloron

805 L

7° Décimes à aire, Dax et Pau

1432 L

8° Au Sieur curé de Luey

772 L

9° Au sieur curé de Beÿrie

700 L

10° Au sieur curé de montagut

500 L

11° Au Sieur curé de nabailles

200 L

12° Aux fermiers de montagut

40 L

13° Archi à Mgr L ëveque de Lescar par année

34 L

14° pour les cas fortuits réparations d’églises, d’ornements annuellement

600 L

 

8933 L

reste :

4931 L

 

Déclarant au surplus, qu’il n’y à aucune sorte de mobilier de la dite abaÿie

Je déclare la présente déclaration véritable en ma susdite qualité le 24 mars 1790.

 

Eglise abbatiale de Pontaut, côté nord (état actuel)

La salle Capitulaire (The Cloisters)

Salle capitulaire "The Cloisters" à New-York

Abbaye de Pontaut - Salle Capitulaire - Plan

 

 [Première page]
 [
Page Précédente] [Haut de page] [Page suivante]
 [
Table des Matières]